Bien des personnes ont spéculé sur le lien d’Agravaine et d’Elaina, mais ils n’ont jamais découvert la vérité. Certains avaient affirmé qu’ils avaient sans doute une liaison, d’autres que sa fragilité d’apparence avait touché le noble de Bois, mais aucun ne surent qu’elle était sa fille, sa propre chair, son propre sang, si ce n’était le gratte-papier qui rédigea son affiliation et sa naissance, avant qu’Agravaine ne paraphe le parchemin. Car en vérité, sa longue chevelure de lune ne rappelle que sa mère et ses aïeux… des sorciers dont la blancheur de la chevelure traduisait leur héritage. Ainsi, Elaina est sous la protection d’Agravaine depuis sa naissance, sans que nul ne sache son affiliation, puisque ce paternel ne se mariera jamais, suite au décès de sa sœur. La petite fille à la blondeur des lunes, n’était en vérité qu’une erreur, une grossesse non désirée de par ce père qui sombra dans un désir de vengeance quand elle n’était encore que dans le ventre de sa mère, qui elle, la désirait ardemment. Mais peut-être devrions-nous reprendre depuis le début...

Elaina Ygraine Psyché de Bois.
Fille d'Agravaine de Bois, noble de la famille de Bois. Et d'Oxana Diarmaid, guérisseuse, membre de l'ancienne famille de Diarmaid. Famille déchue de son titre de noblesse depuis l'an "...".

Moi, Agravaine de Bois, reconnaît comme ma fille et mon héritière légitime, Elaina Ygraine Psyché de Bois.

(signature)

Extrait du livre des naissances.

Agravaine et Oxana… une vérité qui aurait dû devenir réalité. De cela, tout le monde en convenait, puisqu’ils avaient été promis l’un à l’autre, et que de tendres sentiments germèrent entre eux. De sorte qu’il semblait d’une évidence lumineuse que les deux êtres étaient parfaitement assortis. Malheureusement, la famille d’Oxana, subissant la traîtrise de son paternel, se couvrit de honte et perdit son titre sous la mauvaise humeur du souverain. Dès lors, toute union ne pouvait plus être à l’ordre du jour, Oxana ne pouvant plus prétendre au mariage noble auquel on n’avait eu de cesse de la préparer durant de si longues années. Malgré tout, ils consommèrent cette attirance charnelle qui n’avait de cesse de les brûler de l’intérieur, de la jeune femme ne pouvant refuser ce don qu’elle ne voulait offrir à nul autre.

Ce fut ainsi qu’il prit sa virginité, et la rendit grosse sans réellement le désirer. Après tout, ce n’était qu’une nuit d’adieu, Agravaine sachant parfaitement qu’il n’oserait entraîner dans sa famille une femme de famille noble répudiée. Il ne pouvait faire cela à sa sœur, Ygraine, qu’il aimait tendrement d’un amour fraternel surpassant sans le moindre doute la moindre étincelle qu’il pouvait éprouver pour Oxana. Ainsi, lorsque cette première mourut en couche suite aux actes du roi de Camelot, le noble se laissa engloutir sous un besoin de vengeance dangereux et dévorant. Désir obsessionnel que son frère, Tristan, trouva le courage de révéler au grand jour… il tenta de se venger et périt de la main même d’Uther. La rancœur n’eut de cesse de ramper dans son cœur, se renforçant telle une ronce lorsqu’il apprit la nouvelle mort d’un frère.

Il s’égarait, se perdait, se noyait, et ne retrouva pieds et douceur qu’à la vision de son propre sang, celle qui malgré une blondeur lunaire, l’était à ses yeux, et qui eut pour second prénom Ygraine en mémoire de sa jeune sœur… Elaina était née, frêle et chétif nouveau né que sa mère préserva de la rancune de son père. Oxana n’eut de cesse de prétendre et répéter que leur enfant était née sans l’ombre d’un pouvoir, mais qu’elle veillerait à en faire une guérisseuse à son tour. La jeune mère saisissant que son aimé pourrait trouver et chercher la moindre accroche pour se venger… et il était hors de question qu’il use de leur enfant en ce sens. Agravaine avait changé, et cela s'était opéré devant ses yeux. Mais elle avait insisté pour qu'il légitime la naissance de leur enfant, qu'il inscrive sa signature en affirmant qu'elle était son héritière, et qu'ils en fassent une copie sur un autre parchemin en cas de complot. Oxana s'avérant prévoyante et maligne, désirant le meilleur pour sa progéniture, sa fille.

Ainsi, la petite fille grandit auprès de sa mère, tout en bénéficiant de la protection de son père, dont elle connut l’identité, ne soufflant d’aucun doute à ce sujet assez rapidement, même si elle n’eut jamais le droit de l’appeler père. Elle grandissait auprès de celle qui lui enseignait la magie, la lecture, l’écriture… la laissait lire durant des heures des livres ou bien des grimoires. Elle apprenait attentivement tout en étant la bienvenue dans la demeure d’Agravaine, où elle vivait non loin en compagnie de sa mère, guérisseuse attitrée des lieux. Elle fut l’une des seules à découvrir sa douceur, sa prévenance, quand il donnait une apparence toute autre. Et elle l’aima de toutes ses forces, de toute l’intensité de son innocence délicate. Elaina n’était étreinte d’aucune rancœur, d’aucun désir de vengeance, et elle aurait donné beaucoup pour apaiser le cœur de son père comme elle découvrit en soignant trop naturellement un oiseau blessé… Mais sa mère lui expliqua que ce n’était pas une maladie comme une autre dont il souffrait, que c’était quelque chose d’autre, quelque chose qui ferait qu’il risquerait d’user de l’enfant qu’elle était si elle lui révélait leur secret.

Si lorsqu’elle était toute petite, elle ne comprit pas, en grandissant, elle n’eut d’autre facilité que de saisir la véracité des propos de sa mère, tandis qu’elle observait son père, celui qui ne cessait de guetter ardemment en direction de Camelot le jour où une vengeance méritée pourrait revenir sur le devant de la scène. Tandis qu’il lui confiait sa rancœur, sa douleur à certains instants… Uther était allé à l’encontre de la nature, et le prix… le prix avait été bien trop important. La magie n’avait jamais été un jeu, et le souverain l’avait répudiée comme seule responsable, alors qu’il ne faisait aucun doute que ceux qui avaient tué sa sœur… l’épouse de ce roi égoïste, n’était que ce dernier. Elle le connaissait trop bien pour chercher à modifier sa vision des choses, que ce n’était pas vivre que de ressasser le passé quand il avait d’autres attaches en ce monde. Mais il n’en avait cure, si Elaina était une source de douceur dans son existence, cette dernière était vouée à d’autres cieux.

Silencieuse, elle garda secrètes tant de vérité, tout en continuant d’apprendre auprès de sa mère, profitant de son apparente non noblesse pour savourer chaque seconde de la vie qui était la sienne. Galoper à risquer de s’en rompre le cou, inspirer l’air humide d’une pluie passée, laisser les gouttelettes s’amonceler sur ses chevilles, le tissu de sa robe. Lire et apprendre le respect de la nature, vivre dans cette harmonie que son propre don laissait supposer… même si elle ne l’utilisait qu’en cas d’ultime recours, non désireuse que son père apprenne qu’elle lui dissimulait une chose trop importante. Ainsi vint le jour où elle aida séparément sa mère avec ses patients, ou parfois avec elle, son père ne désirant plus qu’elle et sa ‘médecine’ auprès de lui. Il aimait cette enfant méconnue qu’il prenait en apparence sous son aile, même si certains se montraient suspicieux. Après tout, n’avait-il pas été promis à la mère ? L’avait-il ainsi remplacée par la fille ? Mais personne n’osait formuler ces suppositions devant lui… ou elle.

Puis il vit le moment qu’il avait tant attendu et demanda à Elaina de le suivre à Camelot en tant que sa guérisseuse personnelle, et elle accepta, malgré la méfiance de sa mère. Oxana ne voyant pas d’un très bon œil l’éloignement de sa fille, surtout en compagnie de son géniteur qui avait tellement changé au fil des ans, bien qu’il se soit toujours bien comporté avec leur enfant. Aussi glissa-t-elle l’attestation de sa naissance à la jeune femme, lui faisant jurer de la mettre en sûreté, mais de toujours la conserver. Elle ne discuta pas, apaisant ainsi les craintes de celle qui lui avait tout appris, lui promettant qu’elle ferait attention et préserverait leur secret…

Depuis plusieurs jours, Elaina est donc à Camelot, grande et imposante cité dans laquelle elle ne connaît personne. Mais où elle possède une famille qu’elle ne connaît que trop peu, et à laquelle elle ne peut glisser la vérité. A mesure le temps s’égrène, sa vie ressemble de plus en plus à une partie de carte où la dissimulation de son jeu est le plus important, château de brume qu’elle craint de voir un jour s’écrouler sans qu’elle n’y puisse rien. Même si jusqu’ici, chaque secret reste précieusement dans son esprit : le sien, celui de son père, celui de ses parents… ceux de son identité.

Aux yeux de tous, elle n’est qu’Elaina Diarmaid, simple guérisseuse d’Agravaine, venue ici sous sa demande. Mais le chapitre n'est pas encore terminé.